Prétextant un accident du travail, un salarié a été arrêté plusieurs mois, avec l’aval d’un médecin généraliste peu regardant, estime l’entreprise. La PME a saisi un tribunal spécialisé.
Frédéric (1) y est embauché en 2010 comme tôlier-soudeur. Le salarié a demandé un aménagement de ses horaires pour pouvoir mener, en parallèle, la construction de sa maison. Le lundi 25 février, de retour de week-end, il se plaint d’avoir mal au dos et semble boiter. Mais il accomplit normalement ses tâches.
Le lendemain, il ne vient pas et fournit un arrêt maladie jusqu’au 1er mars. Prolongé jusqu’au 11 avril. Puis envoie un nouvel arrêt, fin mars, où le médecin mentionne que l’arrêt est consécutif à un accident de travail… survenu le mercredi 20 février. « Un faux, grossièrement raturé » estime Me Claire Voivenel, avocate de la société.
Comme la règlementation l’y oblige, l’entreprise déclare l’accident du travail, mais en émettant « les plus vives réserves ». Un inspecteur de la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) rencontre les responsables. Son enquête les déçoit : « Il ne va même pas voir le poste de travail ».
Plus de deux ans d’arrêt
La CPAM valide donc l’arrêt et le médecin du salarié le renouvelle à plusieurs reprises, pour une durée totale dépassant les deux ans ! « On est un peu suspicieux sur la délivrance de cet arrêt », souligne Me Voivenel. Le Conseil de l’ordre a interdit le médecin d’exercer, de février à juillet 2015, pour avoir « prescrit à neuf patients toxicomanes de très fortes doses de médicaments morphiniques », dont l’une est décédée.
Coïncidence ? Pendant cette suspension, l’arrêt de travail de Frédéric n’est plus renouvelé et il demande un mi-temps thérapeutique. La société s’est séparée de lui après un licenciement pour inaptitude, financièrement plus avantageux pour l’employé, mais déséquilibrant les comptes de la PME (Petite et moyenne entreprise).
Devant le tribunal, la société conteste « la matérialité de l’accident » et réclame des indemnités à la CPAM pour le préjudice subi : la PME a dû verser 4.000 € de congés payés au salarié (durant son arrêt, la Sécu lui verse son salaire) et un bonus imposé par la loi de 13.000 € lors de son licenciement.
La représentante de la CPAM maintient la qualification d’accident du travail. La société met en doute la déclaration de Frédéric, qui se serait blessé en redressant une barre de fer : « Ce redressage n’intervient qu’à la fin d’une fabrication étalée sur 30 heures. Le 20 février, il n’en était qu’à la 22e heure de la tâche ». Un des deux assesseurs du tribunal s’étonne, en outre, qu’on ait eu « sur la même période, un arrêt maladie, couvert ensuite par un arrêt d’accident du travail ».
Lundi 9 mai, le tribunal a notifié sa décision : l’accident du travail ne peut être reconnu comme tel par la CPAM. Une victoire en demi-teinte pour la PME, car sa demande d’indemnisation a, en revanche, été rejetée, « les pièces versées au dossier étant insuffisantes ». Elle espère toutefois récupérer une partie des charges versées.
Cette procédure n’aura pas d’impact sur les indemnités perçues par le salarié.